Marie-Antoinette c’est moi (à propos de campagne et d’illégitimité)

Peut-on avoir un potager et faire la queue comme tout le monde devant l’étal de son maraîcher préféré ? C’est mon cas. Cherchons l’erreur.

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Dans mon panier ce matin, après une razzia chez Auguste : carottes + potimarron + salades + pommes de terre + céleri-rave + poivrons + radis + oignons. Notez que j’ai oublié les tomates, alors que celles d’Auguste sont divines. C’est un acte manqué qui colle parfaitement avec le décryptage qui suit.

Pourquoi, cultivant un potager, ai-je besoin de tous ces légumes ? Mes carottes sont encore petites. Pas de potimarron. Seuls deux plants de pommes de terre ont germé, et donc peu de patates. Pas semé de céleri, ni de poivrons, ni d’oignons. Les radis ont poussé au printemps, mais ils étaient piquants. Ceux qui ont poussé cet été étaient immangeables et anorexiques. Mes dernières salades romaines sont amères, les dernières feuilles de chêne sont encore en croissance.
Si j’ai oublié les tomates, outre que mon cerveau est plein de trous, c’est que j’en ai plein qui n’ont pas encore rougi, et que je les veux mûres, et que sans doute mon inconscient a parlé.

Voilà où je veux en venir. Un petit potager amateur comme le mien - et c’est dur à avouer - ne joue pas ce rôle décroissant que je rêverais de lui attribuer. Je me fais donc l’effet d’une bobo rurale à deux sous, d’une Marie-Antoinette avec ferme reconstituée, possédant une poule qui ne donne pas d’oeufs (parce qu’elle refuse de rentrer au poulailler le soir, et qu’elle pond sans doute dans la nature) et un potager qui me sert surtout le week-end, avec famille et amis, pour frimer avec une entrée "composée uniquement des légumes du jardin".

Soyons positif. J’aime mon potager. C’est mon copain. J’ai assez de légumes pour concocter régulièrement des purées super maison à l’intention d’une personne de très petite taille qui s’en fout mais qui a sacrément bonne mine. J’ai découvert le plaisir d’avoir les mains dans la terre, de creuser pour chercher des pommes de terre façon course au trésor ; celui de regarder, tout simplement, les grappes de tomates-cerise, la citrouille qui pointe son nez, le cresson qui se dresse en quelques jours. J’ai appris deux-trois trucs et si la crise alimentaire s’en vient à toucher l’Occident, les gars, je suis prête.


comments h

      1. Jakki

        De rien Emma, j’ai beaucoup de bonnes idées (!) surtout quand je pressens qu’à défaut de parfaire ta pratique potagère, ce serait bien le diable qu’on ne récolte pas au moins une petite pépite de reportage comme j’aime !

        1. l’obiduf

          Je ne comprendrais donc jamais rien à ces sentiments illégitimes d’illégitimité alors qu’il suffit de remettre les deux mains dans dans la terre pour ne plus se poser de questions... et qu’il est bien là le premier plaisir !!! Et puis alors quoi ? Cela voudrait dire qu’on n’a le droit de faire un potager seulement si les légumes qui y naissent ressemblent à des gravures de mode...???
          Et puis sinon de quoi il vivrait Auguste ?

          Alors vive les gens qui ont du plaisir à faire un potager qui ne ressemble à rien, où il faut chercher les légumes au milieu du fouillis et où les dits légumes ont des tronches pas possibles et des gouts forts de café !!!

          C’est l’avis d’une fille qui rêve de cultiver son jardin et d’un potager en démence...

  1. nata

    Il te reste le stage chez la reptily family !
    La maison est grande, ils ne sont certainement pas à trois enfants près… La progéniture à la mer, la mère à la terre !

    1. Emmanuelle Walter

      Que c’est joli !
      En fait, je m’auto-flagelle un peu moins depuis quelques jours : les tomates ont mûri en masse, les courgettes ont grossi à toute vitesse, les citrouilles rampent et poussent, et on a trop de tomates-cerise...
      Cela dit, le potager totalement auto-suffisant reste un Graal.
      Et Rodolphe pourrait faire fortune avec des stages. Non ?