Je sens monter le diktat (du maternage bio)

C’était il y a dix-onze ans. On portait son nouveau-né dans un porte-bébé Baby Bjorn, un truc scandinave, ergonomique, fonctionnel, incontournable. On allait chez Ikéa acheter des meubles clairs (et toxiques) pour la chambre du bébé.

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On manquait d’enthousiasme face aux sacs plastique déposés par les amis qui dégoulinaient de vêtements déjà portés par d’autres petits d’homme. On préférait dénicher des bavoirs à fleurs chez DPAM. On gobait sans mot dire les ordonnances d’antibiotiques dès 3 mois. Souvent, on achetait des plats pour bébé tout préparés. On consommait. On était contents.

Et puis là. Aujourd’hui. Porter son bébé en écharpe, parce que c’est mieux. Récupérer les fringues, parce que c’est mieux. Utiliser les couches lavables, parce que c’est mieux. Donner du bio et du frais, parce que c’est mieux. Pouvoir dire non au vaccin BCG, parce que c’est mieux - et sans passer pour une hippie ou un témoin de Jéhovah.

J’ai un copain qui rit jaune à chaque fois qu’il croise une bourgeoise rive gauche arborant un bébé porté à l’africaine. Il y a dix ans, j’observais, dans le quartier africain de Château-Rouge, l’adoption progressive par les jeunes mamans blacks... du porte-bébé à l’occidentale. A l’époque, je le voyais comme un signe d’intégration. On dirait aujourd’hui que c’est de l’acculturation. De la perte d’identité.

Bon, le lavable, le bio, le portage en écharpe, c’est vrai : c’est mieux. Et laissez-moi culpabiliser pour les kilos de couches Pampers et chimiques légués à l’incinérateur, il y a 11 ans, il y a 8 ans.

Mais il y a un risque. Le risque du modèle écrasant, donneur de leçons, sans humour ; le risque du diktat.

Je sens monter le diktat de la maman bio. Elle a le teint frais, elle est nature, elle mange des graines, elle distille ses conseils mine de rien, elle fait tout bien. Elle s’applique. Elle a un côté nordique, no fun, pas rock.

Et parce que tout faire au mieux, c’est beaucoup de travail, la voilà, insensiblement, qui passe encore plus de temps dans les tâches ménagères. La voilà frottant plus, cuisinant davantage, reconduite dans ses fonctions millénaires.

Alors une seule solution : pratiquer le maternage bio 1. sans se tuer à la tâche 2. sans prêcher.

Sans emmerder le monde, quoi.