Faire avancer sa boîte à savon sur les feuilles mortes

Oui ou non : le néo-rural ou le rural tout court éprouve-t-il les deux sensations suivantes, en alternance, lorsqu’il fait avancer sa boîte à savon sur les petites routes rendues glissantes par la chute des feuilles ?

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Sensation N°1 : forme d’extase automobile, de type hormonal, déclenchée par A. la contemplation de l’automne, B. l’écoute d’un CD de folk neurasthénique et C. l’impression de fouler une nature inviolée (pfff) tant que nulle autre boîte à savon n’est visible à l’horizon.

Sensation N°2 : trouille abominable de l’accident de voiture, de type tripal, déclenchée par A. l’impression qu’on a été absente/distraite pendant une nano-seconde, à force de mater telle longère bucolique en tordant le cou. Ou B. la peur paralysante, à en freiner sans raison, d’envoyer valser le piéton imprudent (mais à ce moment précis, totalement absent) qui chemine le long du goudron et C. ces chiffres abominables sur le danger des petites départementales (relayés à la une du journal local en grosses lettres rouges). Et enfin D. l’irruption, très réelle cette fois, face à soi, d’une automobile lancée à toute allure au milieu d’une route minuscule, généralement un jeune du coin avec un autocollant "A" sur la vitre arrière, qui ralentit à peine et laisse à la bonne poire le soin de freiner brusquement, de se planquer sur le bas-côté au point de frôler la bascule dans le fossé, puis de reprendre sa route, le coeur battant.

Un trajet anodin, mille fois emprunté, type maison-école, maison-boulot, école-boulot, maison-marché, maison-ciné, etc. se transforme soudain en quart d’heure de maxi-angoisse - ou angoisse de ne pas l’être assez, angoissée.

Il pleut sur le Velux.

Demain, faudra faire gaffe.