Des poules de Barbarie (blanches, petites, genre volatiles pygmées). Au nombre de quatre. Arrivées tout droit de Bretagne, sous le bras de cette même personne de petite-grande taille qui monte à cheval. Avec le retour des ponettes dans le pré, nous voici expérimentant un quotidien nouveau, avec une sensation particulière.
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Albert et Albertine : la poule et le coq. On sait pas s’ils sont mari et femme, à l’origine ; ils ont été piochés au hasard dans le poulailler surpeuplé d’une ferme équestre bretonne. Quant aux deux poussins, ils sont pour sûr enfants de la poule à les voir se nicher sous ses blanches jupes, Dieu que c’est joli leur petite tête duveteuse qui dépasse de la masse plumeuse, façon bébé kangourou. Ils n’ont pas encore de nom : on ne connaît pas leur sexe. "Sinon, on pourrait les apeller Bim et Bam", suggère une personne de petite taille.
Le soir, bien fermer la porte du cabanon, puisque le renard rôde - les voisins l’ont vu, avec des petits, dans le pré de l’autre côté du ruisseau. Ne pas oublier les grains, tous les jours, à volonté, et l’eau. Ne pas oublier d’ouvrir le cabanon, le matin, pour éviter qu’elles noient sous leurs fientes les vélos, la tondeuse, le matériel d’équitation. Acheter finalement sur un Internet un joli poulailler en bois, façon fermette de Marie-Antoinette. On l’attend.
LA. A L’INSTANT. SOUS MES YEUX EBAHIS, UN PETIT HERISSON SE BALADE. A CHAQUE CLIC DE L’APPAREIL PHOTO, CE NIGAUD RENTRE SA TÊTE.
Reprenons.
Pendant la journée, la famille poule se balade dans le jardin, ose des incursions dans le champ d’à côté. Jamais loin. "Se coucher comme les poules", c’était donc vrai : autour de 19H30, chaque soir, tout le monde rentre spontanément au poulailler, Albert en dernier.
Hier, après consolidation de la clôture par des amis du prof exquis (voir précédemment), retour des ponettes qui avaient provisoirement migré au bout du chemin, dans un pré à vaches. Mamma mia. La grande anthracite est définitivement ensauvagée. "Une conne" commente sans ambages le prof exquis. "Une rosse", selon l’amie du prof exquis qui l’a ramenée dans notre pré, non sans mal. La jeune cavalière est frustrée : désormais, la petite trop petite et la grande trop sauvage nous servent de "poneys de compagnie" (c’est le mot), elles font décor. Monter celle qu’elle montait : pas possible ; trop dangereux.
Voilà où je voulais en venir : avec le potager ; avec les ponettes, qui on le sait nous ont donné des sueurs froides, à quitter leur pré la nuit et se balader jusque sur la route ; avec les poules, à nourrir chaque jour, à enfermer le soir ; me voici dans un quotidien dense et définitivement éloigné des émotions esthètes et vaporeuses de la néo-campagnarde. On est, à notre petit niveau, dans le dur. Et c’est marrant. Appris hier qu’un résident secondaire francilien, espèce ici très développée, j’en étais, aide tous les dimanches matins que Dieu fait son voisin agriculteur, dès l’aube. Soins aux vaches, aux chevaux. Contre rien, pour le plaisir. Et donc il faudrait savoir explorer finement ce qui dans notre psychisme de citadins ou ex-citadins déclenche l’appel de la campagne, le vrai, le concret, hors le regard purement émerveillé des premiers jours...
Après avoir fait l’objet de maintes attentions tout l’après-midi (dont tentative de construction d’un enclos en bois par des personnes de petite taille maniant marteau et clous rouillés), le petit hérisson baladeur est mort noyé dans un pot de fleurs rempli d’eau, victime de sa soif et de son courage. Il a été enterré dans les larmes, avec croix en bâtons et roses fanées, au fond du jardin, près du compost (...). Les poules s’en foutent.