Il y est allé fort, Hervé Kempf, rubriquard et éditorialiste environnement au Monde. Dans un édito publié dans le Monde du 11 mai, il dézingue ce qu’il considère comme une spécialité québécoise : le pillage des ressources naturelles. La réplique n’a pas tardé.
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Alors, d’abord, l’édito en question. Exceptionnellement, je reproduis intégralement cet article du web payant, que le Monde me pardonne.
Alerte au Québec
Amiante, uranium, gaz de schiste, pétrole en mer, centrale nucléaire, mines, nouvelles routes : un seul de ces dossiers suffirait à déclencher l’inquiétude des écologistes. Le Québec les affronte tous à la fois, assailli par un capitalisme bien décidé à ne pas laisser une seule parcelle de ressource minérale à l’abri de la recherche du profit.
La bataille principale concerne l’exploration des gaz de schiste : elle est engagée depuis plus d’un an, et s’est épanouie en une forte mobilisation. Cela a conduit à un rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement recommandant la plus grande prudence. Mais le moratoire n’est pas encore acquis. Dans le golfe du Saint-Laurent, par ailleurs, l’inquiétude grandit à mesure que se multiplient les projets d’exploration de pétrole sous-marin.
La marée noire du golfe du Mexique, début 2010, a rappelé le désastre que peut provoquer le pétrole, d’autant plus préoccupant dans le Saint-Laurent que les eaux y sont froides, et que la décomposition des hydrocarbures s’y ferait très lentement. La Coalition Saint-Laurent s’est formée pour empêcher que le moratoire sur l’exploitation pétrolière, décidé en 1998, soit levé en 2012.
On a aussi appris, le 13 avril, que le gouvernement dirigé par Jean Charest soutenait la réouverture de la mine d’amiante situé dans la ville d’Asbestos. La fibre mortelle serait exportée en Inde. Les projets d’ouverture de mines d’uranium s’esquissent par ailleurs, certains avec la compagnie Areva. Le gouvernement veut de plus prolonger l’exploitation du réacteur nucléaire Gentilly II, qui applique la technologie Candu, particulièrement dangereuse. Le 9 mai, Jean Charest devait aussi annoncer une nouvelle mouture de son "Plan Nord", visant à développer l’exploitation minière, les barrages et les routes dans le nord de la province.
Sans doute observe-t-on sur toute la planète la même obstination maniaque à détruire l’environnement. Mais on ne connaît pas d’autres lieux où elle soit aussi concentrée qu’au Québec - dans une ambiance au demeurant délétère de corruption, de conflits d’intérêts et de financement du parti au pouvoir. Et pourtant, répètent ici écologistes et chercheurs, des alternatives existent, dans la sobriété, l’efficacité énergétique et un fort potentiel d’énergies nouvelles.
En fait, comme l’écrivent les activistes qui commenceront, le 15 mai à Rimouski, une marche de protestation à destination de Montréal, "un combat est engagé entre les énergies du passé et celles de l’avenir. Entre les fossiles et les vivants. Osons le dire : entre la vie et la mort".
Hervé Kempf
Pierre Arcand, ministre de l’environnement de la province, n’a pas du tout apprécié.
On le comprend. Son boulot est infernal : il doit défendre l’environnement au sein d’un gouvernement dont la ligne économique, résolument "old style", consiste à faire exploiter les ressources naturelles par de gros groupes qui payent au Québec une redevance de misère, dans un contexte de surplus énergétique qui rend inutile et, en plus, non rentable l’exploitation de nouvelles sources d’énergie.
Donc, être Pierre Arcand, c’est pas easy-easy.
Mais Kempf oublie une chose. Le Québec a horreur de se voir donner des leçons par la France. Or, comme dit mon voisin de bureau, Brendan, qui est Breton et Montréalais pour quelque temps, la France est quand même nucléarisée au-delà du possible. Brendan pense que ça devrait dissuader tout Français d’écrire ce genre de leçon de choses.
Disons que Kempf aurait pu commencer son texte ainsi. "Les Français n’ont de leçon à donner à personne. Leur pays produit des déchets nucléaires, donc dangereux, à ne savoir qu’en faire." Et rajouter ceci aussi : "Nul ne sait si dans un contexte similaire - un pays immense riche d’immenses ressources naturelles - un gouvernement français, ou un autre, ne serait pas le premier à sauter sur l’occasion."
A suivre.
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